Islamisme à l'école : En Seine-Saint-Denis, un directeur visé par le député LFI Thomas Portes n'ose plus sortir de chez lui (2024)

Faits divers

ENQUÊTE. Le lundi 29 avril, le directeur d'une école primaire de Seine-Saint-Denis a décidé de ne plus se rendre au travail. Accusé d'islamophobie, il a espéré jusqu'au bout le soutien de sa hiérarchie, incapable d'enrayer l'engrenage.

Par Amaury Bucco

Islamisme à l'école : En Seine-Saint-Denis, un directeur visé par le député LFI Thomas Portes n'ose plus sortir de chez lui (1)

L'école élémentaire André-Chénier à Neuilly-sur-Marne. Nicolas Bourrez en est le directeur depuis une quinzaine d'années. Photo © Google Street View

Pendant trois jours, il est resté terré chez lui, à l’abri d’un monde soudain devenu hostile. Et c’est avec la sensation étrange du danger qui rôde, prêt à bondir, qu’il est finalement sorti de son domicile, mercredi 1er mai, pour acheter une baguette de pain et un brin de muguet. Selon ses propres mots, Nicolas Bourez n’était « pas à l’aise ». L’excursion avait pour lui des allures de jeu de hasard. Le pire était certes improbable, mais il n’était pas impossible.

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Le pire est surtout devenu envisageable à l’instant même où la tête de Samuel Paty a roulé sur le sol. C’est pour cette raison que Nicolas Bourez a cessé de se rendre dans l’école élémentaire qu’il dirige depuis maintenant quinze ans, à Neuilly-sur-Marne, en Seine-Saint-Denis. Il a la trouille. Pour lui, ses élèves et ses collègues.

Deux jours plus tôt, lundi 29 avril, face caméra, il s’en est expliqué dans une vidéo, largement partagée sur les réseaux sociaux. Nicolas Bourez est seul, chez lui, la voix blanche : « Nous sommes lundi matin, et pourtant je n’irai pas travailler […] . Je n’irai pas, parce que je suis pris pour cible. » De mystérieux détracteurs, poursuit-il, lui reprochent de vouloir expérimenter l’uniforme dans son école et l’accusent d’islamophobie. « On sait où ça a mené, on connaît des histoires malheureuses, donc je ne veux pas aller travailler. »

Ce jour-là, la vidéo fait le tour des rédactions, qui s’empressent d’interroger le ministère de l’Éducation nationale. Les affaires de ce genre se multiplient en France au fur et à mesure que l’islam tente d’imposer ses codes religieux. Chaque fois, le gouvernement promet la fermeté. Là encore, le ministère assure que le nécessaire a été fait pour soutenir le directeur et assurer sa sécurité. Pourtant, l’intéressé dément : « Ce soutien n’a été que médiatique. » Selon lui, le ministère s’est contenté du minimum et n’aurait même pas pris la peine de le contacter. C’est pourquoi Nicolas Bourez a voulu porter l’affaire dans les médias, afin de contraindre les autorités à sortir de la morne ambiguïté où elles étaient restées jusque-là. Jeter un pavé dans la mare. Faire des vagues.

“L’extrême droite” est de retour

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​Depuis, l’affaire a fait le tour de la presse. Sous les remous médiatiques, tout au fond de la mare, nous avons pris soin d’examiner l’engrenage qui s’est mis en place jusqu’à en arriver à l’énième retrait d’un directeur d’école sur fond d’accusation d’islamophobie. Valeurs actuelles a donc voulu retracer le fil de cette histoire, qui débute au mois de décembre 2023.

​Gabriel Attal n’est encore que ministre de l’Éducation nationale et annonce une « expérimentation de grande ampleur » de l’uniforme à l’école. Les établissem*nts et collectivités peuvent se porter volontaires. Le maire divers droite de Neuilly-sur-Marne, Zartoshte Bakhtiari, voit l’initiative d’un bon œil et tâte le terrain du côté des écoles de sa commune. Pour quatre d’entre elles, les directeurs se disent prêts à tenter l’expérimentation. Non sans un processus démocratique préalable.

​Durant les mois de février et mars, plusieurs réunions publiques sont organisées. Tout le monde a la parole. Le maire défend son projet, les opposants s’opposent, argument contre argument. Vient ensuite le temps de la consultation. Parents d’élèves et personnel encadrant sont appelés à voter pour approuver ou non l’expérimentation. Des bulletins sont notamment distribués aux élèves, chargés de les transmettre à leurs parents pour qu’ils puissent donner leur avis.

​De quoi Thomas Portes se mêle-t-il ?

À l’extrême gauche, où la mesure est vue d’un très mauvais œil, la fronde s’organise. Dès le 12 février, après que le gouvernement a dévoilé la liste des établissem*nts qui se disent candidat à l’expérimentation, le député de la 3e circonscription de Seine-Saint-Denis dont fait partie Neuilly-sur-Marne, Thomas Portes, membre de La France insoumise (LFI) – et pas le plus malin de la bande -, envoie un courrier aux directeurs des établissem*nts de la commune. Il leur demande de renoncer à cette mesure, « initialement proposée par le Rassemblement national et soutenue par Les Républicains » , qui porte « une vision passéiste et réactionnaire de l’école » . La lettre expose plusieurs arguments, notamment financiers, mais elle agite surtout le vieil épouvantail de « l’extrême droite » . Le mot est lâché vers la fin du courrier.

En lisant ces lignes, puisqu’il en est l’un des destinataires, Nicolas Bourez tombe de sa chaise. De quoi ce député se mêle-t-il ? N’est-ce pas une mesure proposée par le gouvernement ? Et pourquoi, surtout, refuser cette expérimentation, par définition provisoire ? L’extrême gauche, ne peut-il s’empêcher de penser, ne veut décidément pas lâcher le monde de l’éducation, pas plus que les islamistes. Il signale le courrier à sa hiérarchie. Celle-ci, sans-doute peu enthousiaste à l’idée de cette expérimentation, ne donne aucun signe de soutien.

Nicolas Bourez se rapproche alors du syndicat Action et démocratie CFE-CGC, qui appelle son responsable, puis, le 4 mars, envoie un courrier au ministère pour dénoncer les « pressions exercées par les représentants locaux d’organisations syndicales ou d’associations de parents d’élèves particulièrement hostiles à ce projet » sur les directeurs d’école. La réponse viendra peu de temps après, sous la forme d’un simple accusé de réception qui transpire l’indifférence.

​Un courrier du maire à la présidente de l’Assemblée nationale pour demander des sanctions contre Thomas Portes

Pendant ce temps, à Neuilly-sur-Marne, la fronde se poursuit. Deux manifestations, non déclarées en préfecture et donc illégales, sont organisées devant la mairie par des opposants début mars, avant la période décisive du vote des conseils d’école. Au cours de l’une d’elles, le député Thomas Portes prend la parole comme le montre une vidéo postée sur les réseaux sociaux. Revêtu de son écharpe tricolore, il agite à nouveau l’épouvantail idéologique cher à son camp : « La tenue à l’école ne vient pas de nulle part : c’est une proposition idéologique portée par l’extrême droite. » À l’entendre, le fascisme est aux portes du pouvoir et s’apprête à mettre la main sur les élèves. Le député va même jusqu’à parler d’un « projet CNews », avant de s’attaquer au maire de la ville, à qui il reproche d’avoir reçu, dans sa commune, « tout ce qui se fait de pire en politique, au lendemain des révoltes urbaines […] Bruno Retailleau, Éric Ciotti et Gérald Darmanin ».

Quand il apprend la teneur de ces propos, Zartoshte Bakhtiari est ulcéré. Qu’un député en écharpe tricolore se permette d’intimider les directeurs d’école et de venir l’insulter devant sa mairie, c’est fort ! L’édile dégaine sa plume et écrit un courrier à la présidente de l’Assemblée nationale, le 4 avril, pour demander des sanctions. « Les propos tenus et cette présence à un événement illégal sont une cautionapportée par M. Portes au fait d’enfreindre la loi. Ce type d’agissem*nts est indigne d’un représentant de la nation », peut-on lire dans ce courrier, qui restera sans réponse.

Fin mars, c’est l’heure du dénouement. Les différentes parties prenantes sont consultées. Résultat : le oui l’emporte dans trois écoles de la ville sur quatre, avec un léger déséquilibre entre parents d’élèves et enseignants. Les premiers sont majoritairement favorables, tandis que les seconds sont plutôt défavorables. Autrement dit, l’uniforme trouve plus d’échos dans la population que dans le corps enseignant, ce qui est au fond assez peu surprenant, quand on sait les penchants politiques de ce corps. Peu importe. Le résultat est là et l’expérimentation aura donc bien lieu dans trois écoles de Neuilly-sur-Marne, dont celle que dirige Nicolas Bourez.

L’affaire n’aurait pas dû aller plus loin. Mais les opposants, mauvais perdants, ne veulent pas en rester là. Ils vont dès lors chercher un autre moyen de déstabiliser les rouages démocratiques.

« L’obsession vestimentaire de M. Bourez cache une obsession anti-musulman ».

Le mardi 23 avril, Nicolas Bourez apprend qu’un tract circule dans la ville, qui le vise personnellement et, à travers lui, l’expérimentation de l’uniforme. Ses auteurs, un mystérieux “Comité de défense de l’école publique de Neuilly-sur-Marne”, inconnu au bataillon jusqu’ici, n’ont pas choisi leur cible au hasard. Nicolas Bourez est attaqué pour avoir rédigé une tribune sur le site de Causeur, début avril, pour soutenir l’expérimentation de l’uniforme à l’école.

Voici ce qu’on lit dans ce tract : « Le Comité de défense […] a pris connaissance d’un article en date du 6 avril, signé par Nicolas Bourez [sur le site du magazine Causeur ] […] . Il s’est beaucoup impliqué dans la campagne locale pour le port de l’uniforme […] . Pour quelle raison s’est-il exprimé dans un magazine classé par la presse à l’extrême droite ? […] . Ce magazine que fréquente M. Bourez s’est illustrépar ailleurs dans son soutien à M. Zemmour […] . Le maire était-il au courant des fréquentations politiques de ce directeur d’école ? […] Le maire va-t-il rompre avec un tel associé et dénoncer ses propos extrémistes ? […] Les conditions démocratiques ont-elles été respectées ? »

L’ennui, c’est que les auteurs vont plus loin encore, en se servant d’un passage de la tribune de Nicolas Bourez dans Causeur , sur « l’entrisme islamique » , pour en déduire que « l’obsession vestimentaire de M. Bourez cachait une obsession anti-musulman ». Et le voici affublé de l’étiquette infamante d’“islamophobe”, qui a valu à Samuel Paty d’être décapité et à tant d’autres d’être menacés du même sort.

Forcément, en lisant ces lignes, Nicolas Bourez songe immédiatement aux conséquences que de telles accusations peuvent avoir si elles arrivent sous les yeux de fanatiques de l’islam. Il fait un signalement à sa hiérarchie et se rend aussitôt au commissariat pour porter plainte. « À la lecture de ces accusations , peut-on lire dans le procès-verbal que Valeurs actuelles s’est procuré, le ou les auteurs de cet écrit m’exposent à un danger imminent surtout s’il devait être porté à la connaissance d’une personne déséquilibrée qui voudrait venger ses croyances religieuses en rapport avec les propos anti-musulman qui me sont prêtés. »

Hélas, Nicolas Bourez est incapable de donner aux policiers le nom des personnes visées par cette plainte, puisque les auteurs du communiqué se sont courageusem*nt cachés derrière cet obscur Comité de défense de l’école publique. Mais le mystère ne durera pas longtemps. Deux jours plus tard, le jeudi 25 avril, alors qu’il se trouve devant son établissem*nt, Nicolas Bourez aperçoit deux hommes en train de distribuer le tract à la sortie de l’école. Ces visages lui sont familiers. L’un est un certain Talel C., parent d’élève farouchement opposé à l’uniforme et proche de La France insoumise, l’autre, un certain Florian R., enseignant au sein d’une école voisine et surtout militant au sein du syndicat CGT Éduc’action.

Thomas Portes tente de se dédouaner

​À leur vue, Nicolas Bourez s’empresse de retourner au commissariat pour apporter un complément de plainte. Le même jour, il convoque les personnels éducatifs de son école et leur rappelle les mesures de sécurité en cas d’intrusion dans l’école. Il prend du même coup conscience du danger bien concret que de telles accusations font peser sur l’établissem*nt. Il se rend tout de même au travail le lendemain, puis profite du week-end pour réfléchir. Ses idées ne sont pas franchement joyeuses. On pourrait dire qu’il broie du noir, mais il serait plus juste de dire qu’il se sent broyé par l’engrenage qui s’est mis en place, malgré les différentes alertes : du syndicat Action et démocratie CFE-CGC, du maire de la commune et de lui-même. Rien n’a été fait et le voilà qui se demande s’il peut sortir en sécurité, s’il doit raisonnablement le faire et si, surtout, il doit retourner au travail le lundi suivant. Dimanche 28 avril, sa décision est prise. Il se rend chez le médecin, qui lui délivre un arrêt de travail.

​Et nous voilà revenu à ce lundi 29 avril. Nicolas Bourez publie sa vidéo sur les réseaux pour expliquer sa décision. Le même jour, en prenant connaissance de la situation, le député LFI Thomas Portes publie un message sur X pour se dédouaner. Après avoir fait monter la pression au maximum dans la commune, il affirme qu’ « aucune menace n’est acceptable » et rappelle qu’il « demeure profondément attaché à la liberté d’expression qui autorise les citoyens à exprimer leur opinion sur le choix d’expérimenter l’uniforme à l’école ». Facile. La ministre de l’Éducation nationale, Nicole Belloubet, indique le même jour qu’un « signalement au procureur » a été fait, « dès connaissance des faits ».

​Nicolas Bourez, de son côté, n’est pas sûr de revenir un jour dans l’établissem*nt qu’il a dirigé. Il aimerait au moins que la police lui dise quoi faire, mais le sait-elle seulement ? Comment prédire le comportement de ceux qui ne répondent de rien, sinon à leur folie identitaire et religieuse ? Alors, il reste chez lui, jusqu’à nouvel ordre. « Plutôt que d’agir , conclut Nicolas Bourez à propos de ceux qui auraient pu intervenir bien avant pour empêcher cette situation, ces gens-là préfèrent présenter leurs condoléances. »

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